L’actualité juridique et judiciaire concernant nos familles et nos enfants fut encore particulièrement dense en 2024. Etablissement de la filiation de l’enfant né d’une technique de médecine reproductive et droits sociaux ont une fois encore occupé le devant de la scène.
Fin du dispositif de la Reconnaissance Conjointe
Le 12 avril 2024, l'Association des Parents et futurs Parents Gays et Lesbiens (APGL) avait appelé à la prolongation du dispositif de la Reconnaissance Conjointe, introduit par la loi bioéthique du 2 août 2021.
Ce dispositif permettait à la mère non statutaire d'un enfant né d'une procréation médicalement assistée (PMA) réalisée à l'étranger avant la loi bioéthique d'établir sa filiation, sans avoir à supporter une quelconque procédure judiciaire. Mais il arrivait à termes le 3 août 2024.
Une proposition de loi soutenue par l'APGL visait à modifier et pérenniser les dispositifs transitoires de la reconnaissance conjointe et de l’adoption forcée, mais elle n’a pu être portée, en raison notamment de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Son expiration impose à ces femmes le recours à la procédure en adoption intrafamiliale soumise à la preuve du couple formé avec la mère légale et de son consentement notarié.
Le dispositif de « l’adoption forcée » prévu par l’article 9 de la loi sur la réforme de l’adoption du 21 février 2022 et prévoyant que la filiation de l’enfant né de PMA d’un projet parental commun à deux femmes séparées et en conflit puisse s’établir à l’égard de la mère non statutaire malgré le défaut de consentement de la mère légale par une procédure judiciaire, vient quant à lui à expiration très prochainement le 22 février 2025…
Il est important de rappeler la diligence et l’empressement qui s’imposent aujourd’hui pour toutes les femmes concernées de lancer ces procédures et pour l’APGL de continuer de militer pour que notre législateur trouve une ou plusieurs alternatives pour résoudre le vide juridique dans lequel nombre de femmes vont à nouveau se trouver.
La GPA n’est pas la traite des êtres humains.
Le 23 avril 2024, le Parlement européen a voté une modification de la Directive de 2011 contre le trafic d'êtres humains, y incluant explicitement l'exploitation de la gestation pour autrui en tant que dispositif qui forcerait les femmes à s’inscrire dans un tel processus ou qui par la ruse, y parviendrait. Cette décision a provoqué un vif débat au sein des institutions politiques, certains interprétant abusivement ce changement comme une stigmatisation de la GPA, nuisant aux familles qui ont légalement constitué leur foyer grâce à cette méthode. La clarification des termes utilisés dans ce contexte est essentielle pour éviter des idées fausses sur le statut des familles et la pratique de la GPA.
Voir le communiqué de presse de l'APGL
Arrêt marquant de la Cour de Cassation sur l’adoption
Le 23 mai 2024, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt majeur concernant l'établissement judiciaire de la filiation de l'enfant, en faveur d'une mère non statutaire en conflit avec la mère légale. Elle y a interprété de manière large le terme de protection auquel l’article 9 de la loi du 21 février 2022 fait référence. Ainsi la Cour estime qu’il n’est absolument pas dans l’esprit du législateur d’exiger la démonstration que l’adoption envisagée est soumise au fait que la mère statutaire serait nuisible à l’enfant. Cette décision doit être saluée et il est à noter que la procédure a été financièrement soutenue par l’APGL, partie intervenante.
Voir l'article à propos de la filiation des mères d'intention
Actualités de la CNAM et circulaires sur la sécurité sociale
Une circulaire émise par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM) en juillet 2024 a abordé les questions d’immatriculation des enfants nés de GPA à la sécurité sociale et celle du congé paternité du « parent non biologique ». Celle-ci avait listé plusieurs pièces administratives difficilement accessibles pour ces enfants et avait exclu du congé les deuxièmes pères.
Grâce à l'influence de l'APGL, une circulaire mise à jour et publiée le 26 novembre 2024, a supprimé les pièces jugées non essentielles et qui pouvaient empêcher le rattachement immédiat des enfants nés de GPA à la Sécurité Sociale française et supprimé le caractère péremptoire de l’impossibilité d’accès du père d’intention au congé paternité et d'accueil de l'enfant.
Voir l'article à propos de la GPA et la CPAM
- Le 2 août 2024, le dispositif de la Reconnaissance Conjointe prévue par la loi bioéthique du 2 août 2021 et visant à permettre à la mère non statutaire d’un enfant né d’une PMA entreprise à l’étranger d’établir sa filiation à l’égard de cet enfant, arrivait donc à expiration.
Arrêts sur l’exequatur des jugements de filiation
- Les 2 octobre 2024 et 14 novembre 2024, la 1ère chambre civile se prononçait pour la première fois sur l’exequatur des jugements de filiation des enfants nés de GPA.
Cette procédure judiciaire particulière permet la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA établie à l’étranger par jugement, la Cour de cassation en explique clairement les conditions ainsi que les effets, consolidant ainsi la jurisprudence majoritaire en la matière.
L’avantage de cette procédure est qu’elle n’implique pas d’ignorer la filiation dite d’intention légalement établie à l’étranger et d’avoir à la reconstruire en France par l’adoption intrafamiliale.
Voir l'article sur l'exequatur des jugements de filiation
Récente législation en Italie
- Le 18 novembre 2024 l’Italie promulguait une loi visant à faire de la GPA un crime universel punissant ses nationaux des peines allant de trois mois à deux ans de prison et d’ amendes allant de 600 000 euros à 1 million d’euros, le recours à une GPA sur le sol italien mais également sur le sol étranger.
Cette loi suscite des très vifs débats sur le droit des familles homoparentales en Italie et sur l'impact de telles restrictions sur les droits individuels.
Conclusion
L'année 2024 a donc été riche en événements juridiques significatifs, touchant les domaines de la filiation des enfants nés dans des familles homoparentales tant au niveau national qu'européen. Les débats autour de ces questions continuent de souligner l'importance d'un cadre législatif clair et protecteur pour les familles formées par des moyens de procréation modernes, tout en naviguant entre les enjeux éthiques, juridiques et sociaux en constante évolution.
Force est toutefois de constater que nos enfants ne sont pas placés sur un terrain d’égalité avec ceux qui naissent de la procréation charnelle d’un homme et d’une femme. Leur statut est complexe et la reconnaissance de leur pleine identité dont la filiation est l’un des éléments fondamentaux est toujours aussi complexe et sans homogénéité.
L’APGL appelle de ses vœux à une véritable réforme du droit de la filiation que le législateur en 2021 n’a pas véritablement voulu appréhender.
Pour ce faire, l’APGL a initié en février 2024 la création d’un groupe de professionnels du droit et d’universitaires qui compare, réfléchit collectivement en vue d’élaborer un projet de réforme du droit de la filiation innovant, cohérent, protecteur des enfants quelques soient les familles dans lesquels ils naissent, quelque soit leur mode de conception. Le groupe mène ses travaux qui l’amènera à se réunir à nouveau en février 2025.
L’APGL s’engage encore et toujours pour la défense des droits de nos enfants.