Actualité au sujet du congé de paternité et d’accueil de l’enfant

 Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur une question prioritaire de constitutionnalité posée par l’APGL au sujet de l’article L1225-35 du code du travail concernant l’octroi du congé de paternité et d’accueil de l’enfant. 

Lire le dossier complet sur le site du Conseil constitutionnel. 

En bref

Le 8 août 2025, le Conseil Constitutionnel a jugé que le Congé de paternité et d’accueil de l’enfant en ce qu’il le réserve au père et à la personne vivant avec la mère et en excluant donc la personne vivant avec le père, établit une différence de traitement justifié par l’objectif du congé de paternité, qui consisterait, selon le Conseil constitutionnel, à soutenir la femme qui accouche. Cette interprétation très contestable de l’esprit de la loi conforte en réalité la volonté d’écarter du bénéfice de ce congé fondamental pour l’accueil de l’enfant et l’investissement des parents, celles et ceux qui ont recouru à la GPA. Nous continuerons de dénoncer cette discrimination, la loi doit être modifiée dans l’intérêt même des enfants concernés.

Cette décision confirme la pratique actuelle, mais ne prend que peu en compte l’intérêt de l’enfant pour qui l’implication des deux parents dès les premiers jours est capitale. L’APGL appelle donc le gouvernement à une réforme claire et inclusive du congé d’accueil de l’enfant, pour permettre à tous les parents d’être auprès de leurs enfants dès la naissance.

 

Pour aller plus en détail : que dit la loi aujourd’hui ?

Ce congé s’adresse à des personnes salariées et il est rémunéré. 

Le premier paragraphe de cet article précise qui peut bénéficier de ce congé :

Après la naissance de l’enfant, le père salarié ainsi que, le cas échéant, le conjoint ou concubin salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de vingt-cinq jours calendaires ou de trente-deux jours calendaires en cas de naissances multiples.

Cette rédaction permet, notamment, à la femme qui vit avec la mère qui accouche d’un enfant de bénéficier de ce congé.

En revanche, elle n’a pas été mise à jour à la suite de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes par la loi du 2 août 2021 et il n’est pas prévu que la mère par RCA puisse en bénéficier en tant que telle de façon explicite.

Par ailleurs, cette formulation ne permet pas d’octroyer ce congé aux deux personnes d’un couple ayant recours à une GPA à l’étranger : l’homme ou la femme qui vivent avec le père, et peuvent même être reconnu comme le second père ou la mère de l’enfant en droit étranger, ne peuvent pas bénéficier de ce congé rémunéré pour être auprès de leur enfant dans ses premiers jours de vie.

Rappelons que le congé historiquement dit “de paternité” a pris sa dénomination actuelle avec l’ajout de la mention “et d’accueil de l’enfant” en décembre 2012. Il s’agissait alors d’élargir son bénéfice, outre le père salarié, aux personnes suivantes : “le conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle”.

L’APGL a pris l’initiative de faire valoir des ruptures d’égalité non justifiées et une atteinte à l’intérêt de l’enfant.

Comment l’APGL a porté cette question jusqu’à la plus haute juridiction française ?

Les 11 juillet et 7 novembre 2024, la CNAM a adopté successivement deux circulaires ayant pour objet les droits aux prestations des assurances maladie et maternité en cas d’accueil d’un enfant né de gestation ou de procréation pour autrui à l’encontre desquels l’APGL a initié deux recours devant le Conseil d’Etat.

Ces deux circulaires traitent deux points, le premier concerne le rattachement à la sécurité sociale des enfants nés de GPA, le deuxième l’indemnisation du congé de paternité et d’accueil de l’enfant.

S’agissant de l’indemnisation de ce congé paternité et d’accueil de l’enfant, la CNAM avait dans sa première circulaire exclu la possibilité que le ou la conjointe, partenaire, compagnon ou compagne du père puisse bénéficier de ce congés au regard du caractère restrictif de l’article L1235-5 du code du travail. Dans sa circulaire modificative, elle était moins affirmative au regard de la jurisprudence récente de la cour de cassation sur la procédure d’exequatur d’un jugement de filiation étranger.. Mais la CNAM indiquait attendre l’interprétation que faisait le Ministère de la Santé de ces décisions du 2 octobre 2024… qui n’est d’ailleurs, à ce jour, toujours pas intervenue.

Dans le cadre de ces recours devant le Conseil d’Etat dont l’objectif est d’obtenir l’annulation de ces circulaires, l’APGL a posé une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article L1225-35 du code du travail, qui a été renvoyée par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel  le 4 juin 2025.

L’audience du Conseil Constitutionnel s’est tenue le mardi 29 juillet. La décision a été rendue le 8 août. 

La décision rendue 

Le Conseil constitutionnel reconnaît qu’au sein d’un couple de femmes ayant recours à une AMP avec tiers donneur, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant bénéficie à la seconde mère du fait de son lien de filiation établi par RCA avec l’enfant – et ce même si elle est séparée de la mère ayant accouché et que sa nouvelle compagne bénéficie d’un congé d’accueil. Il s’agit d’une excellente nouvelle pour les couples de femmes ayant recours à une AMP avec tiers donneur.

En revanche, pour les couples ayant eu recours à une GPA, l’absence d’un second congé de paternité ou d’accueil de l’enfant, au profit du ou de la conjointe, partenaire ou concubin du père n’est pas jugée contraire à la constitution.

Si le Conseil constitutionnel reconnaît la différence de traitement dans l’octroi de ce congé entre l’époux, le compagnon ou le partenaire de la mère (qui peut en bénéficier)  et celui du père (qui ne le pourrait pas), celle-ci est justifiée par l’objectif du congé de paternité, qui consiste, selon le Conseil constitutionnel, à soutenir la femme qui accouche. 

Les motifs invoqués par le conseil constitutionnel seraient fondés sur l’esprit de la loi du 14 décembre 2020 :  celui-ci aurait été créé pour soutenir la femme qui a accouché. 

Une décision qui démontre une fois de plus la nécessité d’une réforme claire et volontariste pour toutes les familles 

Cette argumentation,  qui s’appuie sur les travaux préparatoires de la loi du 14 décembre 2020, est éminemment critiquable car il s’agissait alors d’allonger la durée du congé de 10 à 28 jours. 

Rappelons que le congé d’accueil du jeune enfant avait été mis en place en 2012 à la suite d’une recommandation de la HALDE afin de tenir compte des diversités des familles et notamment de prendre en compte les couples lesbiens. 

Une ambiguïté demeure néanmoins sur le bénéfice de ce congé lorsque le second parent d’intention dispose d’un lien de filiation établi avec l’enfant à l’étranger. Le recours au fond devant le Conseil d’État permettra d’éclaircir ce point notamment au regard des exigences du droit de l’UE.

Le Conseil constitutionnel se prononce sur une troisième différence de traitement concernant les personnes trans : s’il reconnaît le bénéfice d’un congé de maternité aux hommes qui accouchent, il le fait par le biais d’une circonvolution inutile et contraire au droit social. Le congé de maternité serait en effet accordé non pas du fait de l’accouchement mais en raison de l’établissement d’une filiation maternelle… 

Enfin, les arguments concernant l’intérêt de l’enfant ne sont que peu pris en compte par le Conseil constitutionnel qui estime que le second parent d’intention peut juste cesser de travailler pour rester auprès de son enfant… Une affirmation qui étonne au regard des besoins d’un enfant, et du rôle du deuxième parent auprès de lui. L’implication des parents est en effet capitale dès les premiers jours et ce congé y participe grandement. C’est une des raisons pour lesquelles ce congé rémunéré a été allongé en 2021.

L’APGL appelle le gouvernement et notamment Mme Vautrin, ministre des Familles – qui s’y est engagée – à une vraie réforme du congé d’accueil de l’enfant centrée sur l’intérêt de l’enfant et pour toutes les familles.