PMA pour toutes : le compte n’y est pas !

Avec 3 autres associations, nous avons travaillé pendant 4 mois pour mettre au point cette tribune qui dresse notre état des lieux de la PMA en France. Elle a été publiée le 17 mai 2024 sur le site internet de Libération.

PMA pour toutes : le compte n’y est pas !

Nous, associations de personnes recourant à l’assistance médicale à la procréation (AMP) en France, sommes inquiètes de la situation dans les centres de don et les services de médecine de la reproduction : la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a ouvert l’accès à l’AMP avec tiers donneur aux couples de femmes et aux femmes seules, mais 3 ans plus tard, le compte n’y est pas !

Se donner les moyens de ses ambitions

Malgré des financements additionnels depuis 2021, les dotations allouées ne permettent pas de faire face aux demandes, qui ont été multipliées par 8 . Les listes d’attente stagnent à plus de 16 mois.
On manque de gamètes. Ces délais sont encore plus importants pour les personnes racisées, la liberté de choisir l’appariement reste théorique.

On manque de rendez-vous disponibles. Et l’autoconservation ovocytaire prend le même chemin. Sa prochaine ouverture aux centres privés promise par le Président de la République est une avancée, mais ne résoudra pas tout.

Compte tenu de cette situation, indissociable de celle de l’hôpital public, les femmes continuent d’aller à l’étranger – quand elles n’y sont pas directement encouragées par les professionnels de santé lorsqu’elles dépassent 40 ans ou ont besoin d’un dépistage préimplantatoire des aneuploïdies pour augmenter leurs chances de grossesse .

Est-ce là l’esprit du service public hospitalier : laisser les professionnels de santé débordés et les patientes démunies ? Peut-on se satisfaire d’une loi qui proclame l’ouverture de soins sans en permettre le bénéfice effectif ?

Réformer le don de gamètes
Comme la Cour des comptes , nous appuyons l’idée d’une gestion nationale des gamètes, à l’instar de ce qui existe pour les dons de sang ou d’organes.

Cette réforme est nécessaire. L’accès aux origines garanti à nos enfants à leurs 18 ans oblige à une gestion fiable et robuste, qui n’a jamais été mise en place par la Fédération française des CECOS4 jusque-là. Regardons de plus près les moyens alloués et les résultats obtenus. Un audit approfondi doit être conduit dans le but de ne pas reproduire les mauvaises pratiques et valoriser les centres de don qui réussissent.

Osons aussi réfléchir à d’autres pratiques : gratifier les donneur.ses, équilibrer les stocks de gamètes de façon pérenne sur le territoire, instaurer une journée nationale du don de gamètes…

Respecter le projet de famille des futurs parents

La dernière loi de bioéthique a introduit le projet parental comme justification de l’AMP et précisé que l’accès devait se faire sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou le statut conjugal notamment.

L’accueil des nouveaux publics et le nouveau cadre juridique ne semblent pas acquis dans toutes les équipes. Rappelons qu’il n’existe aucun âge minimum, il n’y a donc pas lieu de refuser une femme en raison de son jeune âge, ni de son handicap, son asexualité ou sa situation sociale ou professionnelle – pour ne citer que ces exemples.

Toutes les femmes doivent être reçues dans les centres français jusqu’à 45 ans. Nous constatons qu’elles sont privées de l’accès au service public bien avant. Elles pourront pourtant bénéficier d’un remboursement forfaitaire de leurs soins à l’étranger avec un certificat médical, ce qui, pour nous, n’est pas cohérent.

De plus, les protocoles élaborés jusqu’alors pour les couples hétérosexuels infertiles devraient être adaptés aux femmes seules ou en couple. Les examens médicaux pourraient être allégés et le choix de la technique plus amplement discuté, avec une information suffisante sur les taux de réussite, la stimulation hormonale, le risque de gémellité…

Les consultations psychologiques systématiques, voire répétées, témoignent parfois de stéréotypes, de misogynie voire de lesbophobie, qui sont inacceptables. Les plaintes sont compliquées, les personnes craignant de se voir fermer l’accès au centre de leur région si elles dénoncent les pratiques qui y ont cours.

Enfin, il reste des blocages du fait du manque de considération des instances politiques à l’égard des parcours de vie des femmes. Autorisons la technique ROPA (réception des ovocytes de la ou du partenaire), qui peut constituer une alternative au don d’ovocytes. Laissons les futurs parents décider du devenir de leurs gamètes et embryons, y compris les exporter au-delà de 45 ans.

De gros progrès doivent être entrepris pour que, comme en matière de contraception et d’IVG, les patientes soient associées aux choix médicaux et que leur projet de famille soit respecté. 

Nos parcours en toute confiance

 Si nos associations sont conviées par l’Agence de la Biomédecine aux comités de suivi de la loi, elles ne sont pas pour autant entendues. 
Aujourd’hui, l’égalité d’accès aux soins n’est pas assurée. Pire, une prise en charge inégalitaire est permise : les centres peuvent réduire le nombre de tentatives, en fonction de leur stock de gamètes, sans aucun contrôle ni garantie pour les patientes de réaliser les tentatives adaptées à leur dossier médical, ce qui pénalise d’autant plus les personnes infertiles. 

Nous déplorons la situation actuelle, dégradée et très en deçà de ce que réussissent nos voisins européens. 
Nous demandons plus de transparence par la publication de statistiques par centre, a minima deux fois par an : les délais, les âges, les types de public, les stocks de gamètes, les tentatives, les taux de réussite. 

Nous insistons sur la formation des professionnels à toutes les formes de parentalité ainsi qu’à la lutte contre les stéréotypes et discriminations afin que les futurs parents élaborent leur projet de famille sans crainte. 
Pour un futur proche, nous voulons parier sur la confiance, le dialogue et le respect. Nous osons espérer qu’on permettra à chacun de fonder sa famille non pas sous le contrôle mais avec l’accompagnement du corps médical. 

 
Signataires : 

  • Catherine Clavin et Dominique Boren, co-présidents de l’Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens
  • Virginie Rio, co-fondatrice de l’association COLLECTIF BAMP !
  • Margaux Gandelon, présidente de l’association Mam’enSolo
  • Eloïne Fouilloux, vice-présidente de l’association Les Enfants d’Arc-en-Ciel

La Tribune en ligne sur le site de Libération : https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/pma-pour-toutes-le-compte-ny-est-pas-20240517_GMJIV7HNTVEHXA5T7V6PXKUGII/